Ce siècle devait être un siècle de lumière, auquel on prédisait les plus flatteuses merveilles, les plus grands progrès grâce au bouillonnement des inventions
techniques du siècle précédent qui allaient révolutionner les moeurs, les relations humaines et inter-peuples, réduire les distances, épargner à l'homme les dures tâches manuelles, supprimer les
famines et les maladies, éduquer les enfants plutôt que de les envoyer dès 10 ans à la mine ou à la fabrique, libérer enfin l'humain de ses terreurs anciennes et de ses
asservissements.
Ce siècle allait voir le génie humain l'emporter enfin sur un environnement la plupart du temps hostile et accablant pour l'homme avec son cortège éternellement
renouvelé de famines, de maladies, de terrifiantes épidémies, de mortalité infantile, de guerres de conquête, de misère et de mort toujours prêtes à saisir, de catastrophes climatiques, de
violences sociales, d'injustices de tous ordres et d'abord celle de la naissance, .....
Ce siècle donc, le plus prometteur allait pourtant sombrer dans les plus grandes folies !
Pour ceux qui ont un peu de mémoire ou qui ont un peu lu l'histoire de ces cent annnées-là, force est de reconnaître que cette extraordinaire folie, sous ses
différentes formes, qui a accompagné le vingtième siècle a de quoi faire vaciller la raison du plus sage des bipèdes humains !
Cela a commencé par l'affrontement mondial des nationalismes dans lequel les pays les plus développés ont jeté toutes leurs forces et leurs capacités
d'innovation destructrice au point d'aboutir à un véritable suicide européen. Cela s'est ensuite poursuivi par l'énorme krach boursier de 1929 mettant à bas les nouvelles certitudes
dans les bienfaits de l'économie de marché qui semblait jusqu'alors triomphante et dont l'onde de choc induisit plusieurs années épouvantables de récession mondiale, protectionnisme,
fermeture des marchés, misère des peuples. Le fascisme européen naissant allait se régaler de toutes ces calamités pour engendrer dans les décennies 30 et 40 un cortège de destructions
encore plus affreuses de villes, de pays, de nations et de peuples dont le génocide froidement perprétré et organisé des peuples juif et tsigane et ce, jusqu'à l'écrasement de l'agresseur
allemand dont le peuple avait fait allégeance à une clique de fous criminels et la main-mise du communisme stalinien sur une bonne partie de l'Europe.
A peu près dans le même temps un terrifiant dragon, fou de puissance et de nationalisme exacerbé, se jetait sur la Chine et la Mandchourie, s'emparant bientôt de
tout le sud-est asiatique dans un déluge de cruautés, de massacres et de destructions. Il faudra le colossal effort militaire de l'Amérique et sa maîtrise de la toute nouvelle technologie
nucléaire pour venir à bout de cet indomptable Japon, prêt au suicide collectif devant la défaite et l'invasion de son territoire.
Sur les cendres de la première guerre mondiale avait triomphé en Russie une philosophie et un système de société inventés puis mis en oeuvre par des cerveaux fous
de rationalisme égalitaire, pronant la libération des peuples par la dictature du prolétariat et la collectivisation de toute activité humaine. C'était rayer d'un trait de plume des millénaires
d'aventures et de civilisations humaines, bâtir sur la haine et en revenir à la mythique société primitive ignorant la propriété individuelle. L'échec fut total tant social qu'économique
dans une explosion de violences sociales et de massacres de classe ! et il faudra l'écoulement du siècle presque entier avant que les peuples prisonniers de cette folie
rationaliste puissent, pour la plupart, s'en émanciper (à l'exclusion notable de la Chine, de la Corée du nord et de Cuba, restés "collectivistes" pour le plus grand bonheur de leurs dirigeants
guère décidés à s'en remettre au choix démocratique - grâce au génial subterfuge du "centralisme démocratique" - de leur peuple, source pourtant proclamée de leur
légitimité !)
Le cumul de toutes ces folies guerrières ou sociétales, rien que pour la première moitié du siècle, se chiffra en dizaines de millions de morts, peut-être même
atteigna-t-on la centaine ! Et cela sans compter les exploits de nouveaux "champions" de la tyrannie apparus dans la seconde moitié du siècle (Mao, Soekarno, Marcos, Pot Pol,
Castro, quelques dirigeants africains,...).
Bref, c'est l'équivalent de toute la population européenne du 15ème siècle qui disparut au cours du plus fou des
siècles pour faits de guerre, tyrannie, mauvais traitements et épidémies résultantes. Mais la mesure n'était pas comble et l'homme avait encore quelques diableries dans sa besace
puisque la guerre dite froide, à partir des années 50, par la folle accumulation d'armes nucléaires qu'elle engendra, nous promettait rien de moins que le génocide et l'anéantissement de
l'humanité toute entière, promesses frôlées au moins en deux occasions !
Poussé par l'impérieux besoin de vivre, l'Europe et une partie de l'Asie, relevèrent leurs ruines, rebâtissant leurs villes et leurs industries et profitant
des progrès techniques issus de l'effort de guerre - notamment en Europe, avec l'aide financière de l'Amérique - pour moderniser les infrastructures et les moyens de production dans le
grand élan des "trente glorieuses" , trois décades de développement accéléré et d'immenses progrès dans le niveau de vie, les commodités domestiques, l'automobile, la santé, le transport
aérien...., de consommation débridée jusqu'au retour aux réalités et les chocs pétroliers déclenchés par un monde arabe avide de revanche et désireux de s'approprier une partie de la prospérité
occidentale. Ces chocs financiers allaient tirer les économies occidentales vers les faibles taux de croîssance et le chômage de masse.
En parallèle, les deux nouvelles super-puissances ne pouvant désormais plus s'affronter directement au vu des énormes risques de destruction nucléaire
simultanée, croisaient le fer dans des conflits régionaux par aliés interposés (Corée, Vietnam, premier ébranlement de la toute-puissante Amérique, Congo, Biafra et bien d'autres plus
modestes...) et des oppositions idéologiques au cours desquelles la plupart des peuples asservis se libéraient enfin du joug du colonialisme occidental et prenaient en main, avec des fortunes
fort diverses, leur destin national.
Se créaient aussi, en cette seconde moitié du siècle, et se développaient des organismes internationaux, certains à vocation économique (FMI, Banque mondiale, BRI,
OCDE, OMC), d'autres à vocation culturelle (UNESCO) tels des premiers et bien imparfaits jalons d'une organisation des peuples à l'échelle planétaire. Sans oublier la fabuleuse idée des "pères"
de l'Europe de créer enfin l'Union de notre vieux continent - lieu privilégié de conflits et de luttes d'influence depuis des millénaires - et de la doter d'institutions pour en chasser la
guerre à tout jamais et en faire une grande puissance régionale !
Mais la plupart de ces nouveaux organismes internationaux n'avaient pas pour but l'harmonie ou l'équité planétaire mais, bien au contraire, la domination d'une
partie du monde (Les Etats-Unis notamment et à un degré moindre l'Europe) sur le reste du monde par le biais de l'économie, de la monnaie (le dollar devenu la seule monnaie de réserve avant
l'apparition de l'Euro en fin de siècle) et des échanges commerciaux et financiers pendant que triomphaient, à partir des années 70 et après l'abandon de l'interventionnisme étatique de
Keynes, les nouvelles théories anglo-saxonnes du néo-Libéralisme à travers le fameux Consensus de Washington et la mondialisation abandonnée aux seules forces du marché. L'effet sur
l'économie mondiale fut en effet apréciable, sa croîssance annuelle évoluant alors entre 3 et 4% pour atteindre bientôt 5% mais au prix de maints déséquilibres et tensions, de taux de change
flottants et d'inflations mal contrôlées.
Pendant que les crises économiques s'égrénaient aux quatre coins de la planète (Argentine, Mexique, Venezuela, Brésil, plusieurs pays du sud-est asiatique, Russie
après la chute du communisme,....), la dette des pays en développement, imprudemment lancés dans des programmes d'équipement, explosait tandis que la toute-puissante Amérique, boulimique
d'énergie et de consommation, vivant au-dessus de ses moyens, voyait ses déficits se creuser et sa dette s'envoler (pour atteindre le niveau historique de 3.700 Milliards $ en 1999),
financée par de massives émissions de "federal bonds" acquises par les nouveaux pays riches (Moyen-Orient, Japon puis Chine et Sud-est asiatique).
Ainsi, en cette fin de siècle, c'était, cette fois, l'économie mondialisée qui perdait la raison, enivrée des remarquables progrès de la microélectronique et
des télécoms, d'incessants nouveaux produits de consommation, de dématérialisation des valeurs économiques (la capitalisation de Google allait atteindre 11 fois celle de General Motors), de perte
de repères, de masses énormes de liquidités monétaires à la recherche de placement, de spéculations boursières folles avec le boom High Tech et l'explosion d'Internet (la valeur
du marché boursier US atteignait 120% du PIB en 1997 contre 60% en 1990 !), d'une industrie financière en plein boom développant frénétiquement de nouveaux produits toujours plus
sophistiqués, toujours plus informatisés qui allaient bientôt échapper à leurs concepteurs.
Il y avait pourtant eu de grosses alertes en cette fin de siècle. L'explosion de la bulle immobilière et boursière japonaise en 1990 allait entraîner pour ce
pays une décennie de stagflation. Wall street connaissait un Lundi noir, le 16 octobre 1987, au cours duquel 500 milliards $ allaient partir en fumée après une folle période d'euphorie
spéculative. En 1997 ce fut la contagion asiatique avec la dégringolade des monnaies locales, dégringolade initiée par le bat thaïlandais. Puis en 1998 la mise en cessation de paiement de l'Etat
russe......
Malgré le boom économique mondial historique de la dernière demi-décennie, apparaîssaient en cette fin de siècle avec l'écroulement de l'économie russe et la crise
du Brésil, une véritable menace de récession mondiale que la FED (bientôt suivie par les Banques centrales européenne et asiatiques) allait chercher à contrer par une baisse des taux
d'intérêt et une modernisation des services financiers (abolition de la loi Glass-Steagall) .....ouvrant la voie à des folies encore plus énormes qui aboutiraient au siècle suivant à la crise des
"subprime" de 2007 et ses prolongements probables jusqu'en 2010, voire au-delà !
Ce vingtième siècle, le plus fou des siècles connus, n'aura-t-il été en fin de compte qu'une étape vers des folies humaines plus grandes encore ?
L'examen des temps présents n'est pas des plus rassurants !