On a eu l'occasion sur ce blog d'évoquer dans un passé récent la destruction créatrice, phénomène économique essentiellement basé sur l'innovation technologique et
décrit en son temps par l'économiste américain d'origine austro-hongroise Schumpeter.
Symbole de la marche en avant des activités humaines, le phénomène de la destruction créatrice caractérisé par l'abandon/remplacement de techniques obsolètes ou
dépassées par de nouvelles techniques innovantes est, somme toute, une opération "globalement positive" - pour pasticher le mot malheureux de l'inénarrable Georges Marchais parlant du bilan de
l'époque communiste - malgré les drames personnels, locaux voire régionaux pouvant en résulter.
D'une tout autre manière se présente l'action de l'intelligence destructrice développée ci-dessous et qui concerne, quant à elle, un comportement mental totalement et désespérement négatif qui enferme notre société civile dans une ronde infernale d'arguments et d'arguties contradictoires basés non pas
sur une saine réflexion constructive appliquée à l'art politique du possible mais bien au contraire basés sur un esprit de système, à la fois sectaire et intolérant, véritable injure à notre
intelligence collective submergée par les idéologies socialo-économiques et les querelles partisanes.
Logique de consensus ou logique d'affrontement, tel est le choix habituel et récurrent qui s'offre à tout débat démocratique. Gérer le destin d'une société humaine
est chose tellement complexe qu'une sage intelligence devrait pousser les acteurs de tous bords à une constante recherche du consensus sur les sujets essentiels sans naturellement remettre en
cause la libre confrontation des idées et des convictions, socle de toute véritable démocratie.
Notre malheureux pays - sans doute s'agit-il d'un avatar légué par nos ancêtres gaulois que Jules César décrivaient déjà comme un peuple de bavards chicaneurs,
querelleurs et incapables de s'entendre, ce qui, au passage, lui facilita grandement la tâche lors de sa conquête des Gaules - a depuis longtemps fait le choix de l'affrontement des idées
et des "valeurs" (mot magique qui autorise la formulation savante de toutes les bêtises), méprisant et délégitimisant à l'avance toute "compromission" - entendons par là toute tentative d'une
recherche pragmatique et raisonnable de solution quelle soit politique, économique ou sociétale, ayant pour but le bien commun et acceptable par tous - immédiatement considérée comme une trahison
(des fameuses "valeurs" évoquées ci-dessus).
Notre malheureux peuple qui fut qualifié un jour (sans doute un peu abusivement par l'un de ses grands admirateurs) de peuple le plus intelligent de la Terre se
révèle aujourd'hui (comme hier d'ailleurs) incapable - ou alors au prix d'immenses difficultés et de passages en force - de faire évoluer ses structures, de s'adapter à l'internationalisation et
à l'interpénétration des activités humaines, d'accepter les changements nécessaires à sa survie, de remettre en cause ce qui fut acquis lors des "trente glorieuses" bientôt suivies de "quarante
piteuses" (le "miracle" économique d'une reconstruction du pays à la suite d'une guerre mondiale ne pouvant se prolonger éternellement !) qui risquent d'ailleurs de se prolonger encore un
moment.
Glorifiant les jeux de l'esprit et l'agilité intellectuelle aux dépens de la raison et de la réflexion pragmatique, préférant les luttes idéologiques à une saine
pratique du consensus, notre peuple cueille aujourd'hui les fruits empoisonnés de ses passions et se retrouve affligé de maux sociétaux qui handicaperont pour longtemps son avenir :
- Un "mammouth" éducatif sclérosé et inadapté aux besoins de l'économie, faible dans l'apprentissage mais produisant à foison des "bac + 5, +6,
+7..." qui ne trouvent pas leur place dans l'économie de marché, formés qu'ils le furent par des maîtres aux relents marxistes n'ayant que mépris pour l'entreprise et le "business".
- Un secteur étatique surdimensionné, empêtré dans ses multiples redondances, soupçonneux, se mêlant de tout et naturellement crispé sur ses
privilèges, consommant plus de la moitié de la richesse produite par le pays et encourageant un assistanat à tout-va.
- Une économie peu compétitive perdant des parts de marché en Europe mais aussi dans le monde, minée par une faible profitabilité notamment des
PME préjudiciable aux investissements, une innovation insuffisante, une faiblesse chronique dans le management et la négociation (où l'on retrouve le fameux antagonisme consensus/affrontement) et
des coûts salariaux (en termes financiers et réglementaires) élevés.
- Une formation professionnelle sous-performante, mal gérée paritairement par des syndicats politisés et mauvais gestionnaires, incapable
d'assurer une adéquation convenable entre travail offert et compétence proposée.
- un milieu médiatique tout acquis ou presque à l'un des deux camps, celui de gauche bien sûr (car dans notre beau pays il n'y a de vrais
intellectuels que de gauche !) vomissant tous les soirs sarcasmes et critiques, dénonçant sur un ton outré les insuffisances gouvernementales (la pauvreté, le chômage, les mal-logés, les
entreprises qui ferment, les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, bref tout ce qui ne va pas comme on voudrait que çà marche dans un monde utopique où le bonheur de
vivre le disputerait à la parfaite justice sociale...!!) et contribuant ainsi à démoraliser les forces productives de la nation.
- Un bipolarisme politique aux comportements ubuesques, uniquement orienté vers la conquête ou la préservation du pouvoir, cultivant avec délice
un incroyable manichéisme destructeur stipulant que tout ce qui vient de l'autre camp est mauvais et que tout ce qui vient de son propre camp est bon, au point de se ridiculiser aux yeux des
citoyens un tant soit peu raisonnables qui découvrent parfois au hasard d'un "zapping", héberlués et catastrophés, des débats parlementaires paroxysmiques et notamment le fameux théâtre
surréaliste des questions orales au gouvernement.
Le citoyen raisonnable et mesuré, figé dans une stupeur affligée, ne peut que contempler, incrédule, le désastre de la belle intelligence française s'épuisant
frénétiquement dans des querelles de boutiques et de pouvoir et ainsi devenant, en fin de compte, destructrice de l'avenir de notre pays.