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7 septembre 2008 7 07 /09 /septembre /2008 13:16

 

Dans un premier article sur Jeanne d'Arc, fort prisé des lecteurs de ce blog, je m'étais ingénié à mener une rapide analyse critique de la légende entretenue, nourrie ou combattue à travers les quelques siècles qui nous séparent maintenant des évènements survenus dans les années 1430 en soulignant  au passage la forte volonté politique, dans la période allant de 1870 à 1920, de faire de la Pucelle d'Orléans une héroïne patriotique nationale autant qu'une sainte avec l'appui du clergé catholique encore tout puissant à l'époque.

Comme tous les mythes, celui de la Pucelle fut naturellement enjolivé pour satisfaire des buts politiques et la véritable histoire de Jeanne dite d'Arc ne nous sera sans doute jamais connue avec certitude - à moins de mise à jour d'improbables documents historiques exceptionnels - tant les témoignages furent confus et contradictoires lors des deux procès et nombreuses les manipulations de la légende.


Dans ce nouvel article, je souhaite revenir sur une partie de l'épopée qui semble - a priori - inexplicable et qui concerne l'abandon de Jeanne après sa capture aux portes de Compiègne. Voilà une jeune fille de Lorraine (ou plus exactement des marches de Lorraine, sinon elle eut été allemande et non française. A quoi tiennent parfois les choses !) dont la renommée est devenue en peu de temps extraordinaire, qui est considérée par le peuple comme une sainte envoyée par Dieu pour secourir le pauvre royaume de France (en bien triste état depuis de nombreuses années avec à sa tête un pauvre falot de dauphin Charles doutant de tout, sans volonté et manipulé par ses favoris), qui a convaincu le dauphin de la véracité de ses visions et de sa mission divine, qui a accompli ses promesses prophétiques en délivrant Orléans d'abord, en battant les anglais dans la vallée de la Loire ensuite, en menant enfin le dauphin se faire sacrer à Reims et reconnaître comme Roi légitime de France par tous y compris le Duc de Bourgogne jusque là ferme allié de l'anglais. L'élan donné par Jeanne au camp français est tel que la présence de sa bannière  terrifie les anglais qui, en trois mois, ont basculé de l'arrogance victorieuse au défaitisme le plus profond. Grâce à Jeanne, la partie militaire a définitivement basculé même si beaucoup de choses restent à faire...


...et c'est sur ces choses qui restent à faire que la mésentente entre Jeanne et le Conseil du Roi (dont elle ne fit jamais partie) va aller s'élargissant. Jeanne sait que le temps lui est compté (son intuition, ses voix ? Elle sait, voilà tout, et elle le dit tout autour d'elle). Elle veut profiter, au cours de cet été 1429, de l'élan pour prendre Paris au retour du sacre de Reims, ce que le Conseil juge peu opportun car entretemps le contact a été renoué avec la Bourgogne (une trêve de 4 mois sera même convenue en fin août) et le choix politique du moment (aussi bien celui de La Trémoille, favori du roi, que celui de Yolande d'Aragon, la "bonne mère" de Charles VII, pour une fois en accord sur un objectif commun) est de briser l'alliance anglo-bourguignonne pour enfin rompre cet étau mortel qui enserre le royaume de France et espérer vaincre finalement l'anglais. Or le Duc de Bedford, représentant du roi d'Angleterre et fin politique, est au courant des contacts entre France et Bourgogne. Il a fort adroitement confié la défense de Paris à celui qui est toujours son allié.
Embarras du Conseil royal ! On va donc laissé la Pucelle mener un assaut sans moyens suffisants ( assaut de la porte Saint-Honoré le 8 septembre) puis on va lui ordonner - à sa grande fureur - de faire retraite sur la Loire où l'armée royale sera licenciée en fin septembre.
Compte-tenu de la toute récente mais néammoins immense popularité de la pucelle, le Roi va la traiter avec beaucoup d'égards, allant jusqu'à l'annoblir, lui donnant de nombreuses et généreuses gratifications, voire cherchant à l'étourdir dans les fêtes et par les honneurs. Pour le roi et ses conseillers, la guerre n'était plus de saison, remplacée par la diplomatie. La Pucelle, pendant ce temps, fidèle à sa mission, piaffait d'impatience, interpellant sans cesse le Roi. La Trémoille, ennemi juré de Jeanne en qui il voyait, avec une bonne perspicacité, un agent du parti d'Anjou et donc de Yolande d'Aragon, imagina de l'envoyer avec de faibles moyens guerroyer contre un chef  de routiers qui tenait la Charité-sur-Loire. Echec de la mission. La Pucelle n'était donc pas invincible. On dut rire sous cape au Conseil !
Entretemps, les choses allaient de nouveau mal pour le royaume de France. Le duc de Bourgogne, enragé de ne pouvoir récupérer les villes de l'Oise (dont Compiègne) promises lors de la trêve n'avait pas reconduit celle-ci et reprenait les armes avec un appui militaire anglais fraîchement débarqué à Calais.
La situation était grave.
Sans rien demander à personne, Jeanne partit vers les villes de l'Oise, à la tête d'une troupe de routiers piémontais, louée pour l'occasion sur ses fonds propres. Ni le Roi ni naturellement La Trémoille ne cherchèrent à la retenir, encore moins de lui confier une troupe royale ou de la faire accompagner par quelques capitaines, ce qui, avec le recul, semble militairement aberrant , à moins d'accepter l'idée qu'on l'envoyait à l'aventure, à ses risques et périls !
La trahison était donc bien dans l'air et la chute proche. A la cour, on était trop content de se débarrasser d'elle, ce qui montre, au passage, le peu de cas que l'on faisait de sa fameuse mission divine !
A Compiègne, le piège va se refermer. La place était commandée par un proche de La Trémoille qui s'empressa d'envoyer la Pucelle et sa troupe dans un traquenard, poussant l'indignité jusqu'à ordonner la fermeture d'une porte qui eut permis à Jeanne, lors de sa retraite, d'échapper à la capture par les bourguignons. 


L'épopée militaire de la Pucelle avait duré 13 mois (de fin avril 1429, date de son entrée à Orléans, à sa capture en fin mai 1430 à Compiègne) et elle était  donc maintenant entre les mains de Jean de Luxembourg, vassal du Duc de Bourgone, trop heureux d'avoir récupéré une prisonnière aussi prestigieuse dont il allait pouvoir tirer une grosse rançon auprès - pensait-il - du roi de France ! 
A l'époque, pour un chef de guerre, tomber aux mains de ses ennemis, était sans doute désagréable mais pas mortel. L'usage était de payer une rançon dont le montant dépendait de l'importance du personnage. Si la rançon était payée sur le trésor royal (ce sera le cas, l'année suivante, pour La Hire, l'un des prestigieux capitaines français de l'époque) c'était encore mieux, sinon on pouvait s'endetter à vie ou pressurer d'impôts ses administrés, en évitant toutefois de les pousser à la révolte !
Pour Jeanne, le cas était compliqué car elle était certes chef de guerre pouvant prétendre à rançon mais elle était aussi considérée (sauf par ses ennemis) comme une sainte envoyée par Dieu...et de sainte à sorcière, il n'y avait pas loin, à l'époque, surtout pour les gens du camp anglais fort mal intentionnés à l'égard de cette "damned" Pucelle, tels le Duc de Bedford et l'Archvêque de Canterbury qui virent immédiatement le parti à tirer de sa capture. A leurs yeux, monter un procès en sorcellerie et condamner Jeanne au bûcher était la bonne solution pour ruiner son immense popularité et surtout détruire la légitimité royale de Charles VII acquise au sacre de Reims. Il leur fallait donc récupérer Jeanne en la rachetant à Jean de Luxembourg. Ils chargèrent de cette besogne un zélé collaborateur du camp anglais, le fameux évêque Cauchon, une sommité ecclésiastique de l'époque siègant au conseil royal anglais et homme de confiance de Bedford.
Tout le monde et sans doute Jean de Luxembourg le premier s'attendait à ce que le roi Charles VII mandate des émissaires pour négocier la rançon de la Pucelle. A la grande surprise de tous, rien ne se produisit pendant tous les mois qui suivirent alors que les négociations continuaient entre France et Bourgogne (dont, rappelons-le, le comte de Luxembourg était vassal). Pendant ce temps, l'évêque Cauchon faisait le siège de Jean de Luxembourg à coup d'arguments ecclésiastiques et d'espèces sonnantes et trébuchantes ! Pour lui, c'était la grande affaire à ne surtout pas manquer et il la mena à bien après 7 mois d'efforts et de démarches. Il tenait enfin le procès qui démarra à Rouen au printemps 1431 !
Charles VII et son Conseil ne pouvaient ignorer les démarches et les buts du camp anglais. Le Roi, sans génie politique, ne comprit sans doute pas sur le moment qu'il mettait en péril sa légitimité en faisant le jeu de l'anglais (il le comprendra plus tard en organisant le procès en réhabilitation de 1456) et suivit le conseil d'abandon de la Trémoille, trop heureux de se débarrasser de l'encombrante Pucelle. Pour le roi et son conseiller il s'agissait sans doute d'un cynisme politique de premier degré. On oubliait les services rendus par Jeanne et on la rejetait comme n'ayant plus d'usage et même gênant par son activisme les plans diplomatiques.
Du côté de Yolande d'Aragon, même silence, fort surprenant de la part de la grande "commanditaire" (ou, pour le moins, principale organisatrice) de l'épopée de Jeanne. Elle eut pu sauver Jeanne en négociant directement avec le Duc de Bourgogne (elle était experte depuis longtemps en négociations subtiles et secrètes) mais elle n'en fit rien !
Avec Yolande d'Aragon, on atteint probablement le cynisme politique de second degré : Intervenir elle-même, c'était révéler que la Pucelle était en grande partie sa créature et donc ternir sa renommée d'envoyée de Dieu, ressort psychologique essentiel dans le sursaut français. La non-intervention fut donc le choix de cette froide stratège pour des raisons sans doute à la fois psychologiques (la condamnation de la Pucelle au feu jetterait l'opprobe générale sur ses bourreaux, raffermissant dans le peuple la haine de l'anglais et la volonté de le bouter hors de France) et politiques (l'alliance avec Bourgogne était prioritaire et l'aventurière Pucelle ne pouvait, en étant libérée, que gêner cette politique).


L'opération "bergère" avait réussie au-delà des espérances. La petite provinciale visionnaire, fût-elle noble voire batarde royale, ne pesait plus rien dans les choix stratégiques. On l'abandonna à son triste sort, ce qui dû faire beaucoup pleurer dans les chaumières mais fit d'elle, pour les siècles, une parfaite héroïne nationale.



Sources : "Jeanne d'Arc" de Michel Lamy et "Yolande d'Aragon" de Gérard de Senneville.

 

 

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