Jamais la situation n'aura été plus favorable à la poursuite de la construction européenne. Cette affirmation faite en pleine crise sociale et économique peut a priori paraître surprenante !
Elle s'appuie pourtant sur un examen objectif des principales données actuelles :
- Sur le plan institutionnel, le projet de Lisbonne est en passe d'être ratifié (à moins que les irlandais nous refassent une crise
anti-européenne, eux qui pourtant ont tant profité des crédits et cadeaux communautaires. Si cela devait malgré tout être le cas, il faudra bien en passer par une décision des gouvernements
des 26 autres Etats pour continuer le projet européen sans l'Irlande !).
On rappellera en passant aux "grincheux" et aux anti-européens de tous poils que ce projet de Lisbonne recèle des avancées réelles au niveau du renforcement des attributions du parlement
européen, des parlements nationaux et même des citoyens (droit d'initiative populaire) d'une part et du retour du pouvoir politique, d'autre part, notamment par l'élection d'un
Président du Conseil européen (avec un mandat de deux ans et demi) et la nomination d'un véritable ministre (Haut représentant de l'Union, pour être précis) des affaires étrangères.
- Sur le plan conjoncturel, la crise financière devenue globale a obligé les dirigeants européens (et aussi tous les autres !) à "se bouger" et à resserrer
les rangs pour éviter le naufrage, ce qui a rendu bien caduques et bien dérisoires les petits égoïsmes nationaux intra-européens et a renforcé la nécessité d'une harmonisation des actions
financières et économiques ouvrant ainsi la voie à l'idée d'une réelle gouvernance européenne à terme, seule solution valable pour que l'Union puisse jouer pleinement un rôle conforme à son
importance (tant démographique que politique et économique) dans le concert mondial.
L'active et efficace présidence française, reconnue nationalement (que l'on soit pro ou anti-Sarkosy) et mondialement, a montré ce que pouvait faire l'Europe quand elle parlait haut et
clair. Cet exemple ne sera sans doute ni perdu ni oublié.
Depuis la création de l'Union Européenne, deux thèses s'affrontent sur ce ce que doit être l'Europe :
- La thèse anglo-saxonne, d'inspiration purement libérale (ce qui n'étonnera personne !) ne voit dans l'Europe qu'un marché unique ouvert à tous
les vents, sorte de sous-unité du marché mondial qu'elle souhaite sans entraves ni règlements contraignants ni protections d'aucune sorte (sauf quand les intérêts de ses inspirateurs, à savoir
les Etats-Unis et à un degré moindre l'Angleterre, sont menacés !). Dans cette optique, les institutions européennes ne doivent avoir pour rôle que de démanteler tout ce qui entrave la
libre cicrculation des biens, des services et des marchandises, de favoriser la concurrence sous toutes ses formes et, bien sûr, de réduire à la portion congrue l'intervention des Etats (via
leurs services publics et leurs assistances socio-économiques). Bien entendu, plus cette Europe-là sera "ouverte" au plus grand nombre (Ukraine, Biélo-russie, Moldavie, Turquie, Balkans,
Caucase...) mieux cela vaudra car cela interdira toute possibilité de construction politique sérieuse entre des membres aussi disparates et aux intérêts aussi divergents. La crise actuelle a mis
en lumière les limites, les dangers et, somme toute, la profonde inadéquation d'une telle thèse.
- La thèse "continentale" (sorte de patchwork des systèmes français, italien, allemand, bénéluxois voire suédois) plus conforme aux idées des fondateurs
du Traité qui préconise la construction d'une intégration politique dans le cadre d'un fédéralisme des Etats, c'est-à-dire un système dans lequel chaque Etat consent à abandonner une part de sa
souveraineté (politique et économique) à l'Union pour que celle-ci puisse constituer un ensemble cohérent représentant, défendant et protégeant l'ensemble des Etats-membres.
L'aboutissement logique d'une telle construction est une gouvernance européenne fédérant des Etats ayant opté pour un budget commun significatif (et non pas le ridicule actuel 1% de PIB
européen), une politique étrangère commune mais aussi une défense commune et enfin une organisation économique commune. Il y faudra, bien entendu, du temps car on ne transforme pas du jour au
lendemain des pays ayant peu ou prou deux millénaires d'histoire nationale indépendante en Etats réunis dans une même fédération.
C'est pour cette thèse-là qu'il importe de se battre car c'est la seule qui soit porteuse d'avenir.
Pourquoi donc une telle affirmation ? Tout simplement parce que la thèse fédérale est la seule apte à répondre aux défis d'aujourd'hui et de demain et la seule capable d'assurer bien-être et
protection aux populatons européennes.
Une réelle gouvernance de l'Union Européenne assurerait en effet :
- Une véritable cohérence donc une réelle force politique face aux autres
géants et aux dangers géo-politiques.
- Une politique étrangère commune aurait un fort impact partout
dans le monde et notamment auprès des différents organismes internationaux (ONU, OMC, UNESCO, OTAN, OMS, etc...)
- Une collaboration économique poussée (via des grands projets, des
politiques industrielles, des axes de recherche et de développement, des mises en valeur régionales,...) renforceraient les échanges intra-communautaires mais aussi les échanges extérieurs et
stimulerait l'ensemble de l'activité européenne.
- Une harmonisation européenne des politiques fiscales et sociales, d'abord
progressive, deviendrait, à terme, possible, permettant de réduire, autant faire se peut, les situations de dumping social, fiscal et réglementaire qui, aujourd'hui, biaisent gravement les
conditions de l''échange intra-communautaire et encouragent la délocalisation des productions de biens et de services.
- Des positions fermes et unitaires d'une Europe (représentant le quart du PIB
mondial) pour la réglementation des marchés mondiaux (industriels, de services et financiers), la protection de l'environnement, la mise en place d'une économie durable, économe des ressources
non renouvelables de la planète seraient un signal fort envoyé aux autres Etats et groupes régionaux les encourageant par là à choisir la voie du progrès plutôt que le chaos, le
chacun-pour-soi ou les politiques à courte vue.
- Enfin, des accords de collaboration étroite signée avec les pays et
groupes de pays situés à la périphérie de l'Europe serait un pas important dans la marche du monde vers un futur oublieux des affrontements stériles et soucieux de solidarité humaine.
Les cyniques, ceux qui ne croient qu'au pouvoir de la force et de l'argent, ricaneront à la lecture de ces propos mais les gens de bonne volonté - de gauche comme de droite - devraient pouvoir se
retrouver dans une telle vision de notre vieille Europe.
Participer par leur vote à la construction de son futur devrait donc leur apparaître comme un devoir civique et une ardente obligation européenne.