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1 mai 2008 4 01 /05 /mai /2008 13:00


On est toujours un peu surpris de rencontrer régulièrement des opinions négatives sur la langue Esperanto de la part de gens qui n'en connaissent pas grand chose et qui, a priori, n'ont pas, en apparence, de motivations émotionnelles particulières sur le sujet.
Dans les motivations émotionnelles (l'émotion étant souvent tapie derrière une apparente raison) on trouve le plus souvent une fascination irrationnelle pour ce que représente la langue anglaise, vecteur d'une culture anglo-saxonne (essentiellement américaine) elle-même véhiculée par une superpuissance qui aurait irrémédiablement imposé ses choix à la fois économiques via le capitalisme mondialisé et culturels via ses moyens de communication, ses productions cinématographiques, télévisuelles ou musicales et sa maîtrise technologique. La conséquence logique de cette croyance étant  la suprématie linguistique universelle et définitive de l'anglo-américain dans tous les domaines . Moins souvent on rencontre la croyance dans l'échec (lui aussi irrémédiable) de l'Esperanto comme outil de communication commun parce que considéré comme un projet utopique (le propre de l'utopie étant d'être une construction intellectuelle souvent brillante ..mais malheureusement inapplicable !), une création d'intellectuels (plutôt de gauche, d'ailleurs) qui ne marche pas !
Dans cette affaire il apparaît, en fait, que l'âge de l'interrogé est un discriminant très important car à diverses époques du 20ème siècle, les controverses, les attitudes des Etats vis-à-vis de l'Esperanto en pleine guerre froide ou lors des conflits mondiaux, les positions de certains organismes ont pu en donner une image négative qui a marqué durablement les mémoires de ceux qui ont vécu la deuxième moitié du 20ème siècle.
Autant, en effet, un jeune de la génération Internet peut manifester soit de la curiosité pour une idée nouvelle (dans le sens où il en entend parler pour la première fois) soit un désintérêt complet parce que motivé ou attiré par d'autres sujets que la linguistique, autant un adulte mûr manifestera très rapidement une opinion assez souvent négative en faisant référence à des connaissances historiques ou à des souvenirs qu'il va puiser dans sa mémoire.
Il a donc semblé intéressant de retracer l'historique de l'Esperanto au cours du 20ème siècle afin de mieux comprendre ce sentiment d'ensemble plutôt négatif qui est porté par les adultes et les anciennes générations.

Dès le 1er congrès mondial de 1905 à Boulogne s/mer, deux tendances se font jour au sein des congressistes. L'une, purement humaniste voyant dans ce nouvel outil un moyen de dialogue entre les peuples favorisant la Paix Universelle (chère au créateur, le Dr Zamenhoff) et l'autre, plus militante voyant dans l'esperanto un moyen d'émancipation des travailleurs contre l'exploitation capitaliste. Ces deux tendances coexistent encore de nos jours au sein du Mouvement et il est clair qu'autant la 1ère tendance humaniste pouvait rassembler les suffrages de tous les gens de bonne volonté, autant  la 2ème tendance n'a pas manquer de braquer contre elle, par son militantisme révolutionnaire, des franges entières de la population.
Dès 1906, au congrès de la CGT d'Amiens, une motion était adoptée préconisant l'emploi et la diffusion de l'esperanto dans toutes les instances en vue de favoriser les relations internationales inter-syndicales. En 1907, c'est Jaurès lui-même qui propose que l'esperanto soit la langue de travail de l'Internationale Socialiste à Stuttgart. Pas de quoi rassurer le bourgeois surtout à cette époque d'affrontements idéologiques musclés !!
Le début du 20ème siècle correspond pourtant à la phase ascendante de l'esperanto :
En 1912, le gouvernement républicain de Sun Yatsen instaura l'apprentissage de la langue internationale dans les Ecoles Normales chinoises, lui donnant une impulsion encore sensible aujourd'hui malgré le système communiste et la révolution culturelle de Mao.
En 1921, plusieurs pays la proposèrent comme langue de travail de la SDN (Société des nations). Cette chance historique de s'imposer au plan international fut malheureusement contrecarrée par l'action de la France qui voulait maintenir les prérogatives du français comme langue diplomatique universelle ! (on sait ce qu'il en advint !)
Dans les années 20, en France, le congrès des instituteurs proposa plusieurs fois, en vain, que l'esperanto soit enseigné dans toutes les écoles. Il fallut attendre le Front Populaire pour que son enseignement soit favorisé.
En 1921 naquit l'association SAT, créée par un anarchiste, qui rassembla tous les mouvements de gauche dans l'entre-deux-guerres et eut une influence considérable particulièrement en Europe Centrale.
Le coup d'arrêt fut donné lors du second conflit mondial. Les dictatures fascistes en interdirent l'usage, de même que Staline qui y voyait la langue des espions !
La langue internationale connut un regain de forme au lendemain de la guerre. D'abord par le biais du Vatican, le pape PIE XII décidant d'en élargir l'usage, le jugeant plus pratique que le latin en tant que langue religieuse universelle. Puis l'UNESCO fit, en 1955, une recommandation en sa faveur. Enfin, en 1960, la Nouvelle-Zelande fut à 2 doigts d'en décider l'apprentissage dans ses écoles.
A partir de 1960, la régression fut nette tant dans l'usage que dans l'enseignement ou l'action politique. En pleine guerre froide et conflit idéologique Est - Ouest, ce ne fut pas le support inconditionnel de Fidel Castro à la cause esperantiste qui allait redorer le blason d'un Mouvement qui, de l'avis de beaucoup, n'avait pu saisir sa chance au bon moment et était donc à classer dans les PERDANTS de l'Histoire. La suprématie politique et économique américaine, particulièrement après 1945, fit le reste en imposant les standards anglo-saxons, décrédibilisant d'autant l'esperanto, affublé au passage du terme peu élogieux de "progressiste" par la propagande anti-communiste américaine qui suggérait ainsi que son camp était plutôt celui d'en face !

Ce rapide survol historique met bien en évidence les causes principales du sentiment souvent négatif ou pour le moins mitigé des générations adultes concernant l'esperanto :

         -  Echec de la reconnaissance internationale (SDN, UNESCO) et nationale (Nelle Zelande, France,..)

         - Connotation anarcho-socialo-internationaliste puis "progressiste" en pleine guerre froide.

         -  Diffusion massive de l'anglo-américain dans le monde occidental via la suprématie américaine après 1945.

Mais l'histoire n'est pas finie et la messe n'est pas dite !  Un changement rapide va s'opérer dès les années 90 avec la chute du Mur de Berlin, la diffusion mondiale d'Internet et bien d'autres raisons que nous aurons l'occasion d'évoquer dans un prochain article et qui vont faire reverdir le Mouvement esperantiste, enfin débarrassé des oripeaux idéologiques dont on l'avait affublé et lui redonner de grandes raisons d'espérer.

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  • Ingénieur retraité. professeur d'Esperanto via Internet. Nombreux pôles d'intérêt: Actualités économiques, politiques, internationales. Histoire. Sports. Nouvelles technologies. Astronomie
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